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Pédiatre à la clinique Belledonne depuis 2003, j’accueille les bébés de la néonatologie et de la maternité.
Dans un esprit de qualité des soins et de bienveillance, un projet de service avec l’ensemble des soignants a vu le jour en 2015. C’est le label Initiative Hôpital Ami des Bébés, centré sur les rythmes et les besoins du nouveau-né et de ses parents.
Dans ce contexte d’accompagnement, la prise en charge des parents consommateurs de substances à risque est toute indiquée.

Quels sont les principaux effets du tabagisme sur l’enfant à venir, puis dans les 1ères années de sa vie ?

Chaque fois qu’une femme enceinte fume une cigarette, à chaque bouffée, plus de 4000 composants sont inhalés et passent la barrière foeto-placentaire, notamment la nicotine et le monoxyde de carbone (CO) mais pas seulement. Ces substances sont responsables de l’altération du développement du fœtus, de sa moins bonne oxygénation et des complications maternelles.

En effet, le tabagisme maternel retentit sur la croissance fœtale : le bébé a besoin d’oxygène pour se développer de façon optimale. Le monoxyde de carbone prend la place de l’oxygène et la nicotine inhalée altère la circulation du sang dans les artères ombilicales et celles du placenta. Une mauvaise oxygénation influe négativement sur la croissance et peut diminuer son poids à la naissance (en moyenne 200 à 300 g), ainsi que la taille et le périmètre crânien. Le cerveau, les poumons, le cœur et les vaisseaux sont aussi touchés en cas de diminution de l’oxygénation. Or, un petit poids à la naissance prédispose le bébé à des problèmes de santé lors de l’enfance (asthme, otites plus fréquentes ou bronchites à répétition) ou à l’âge adulte, en particulier s’il est prématuré.

Les bénéfices sont-ils réels ? On entend souvent dire qu’il vaut mieux fumer 5 cigarettes que d’être stressée, alors ?

Cette croyance est du siècle dernier !
On sait parfaitement aujourd’hui que c’est faux ... La réduction de la consommation n’entraine pas la réduction de risque, car il existe des phénomènes de compensation qui vont majorer la concentration en polluants. De plus, il est montré qu’une consommation très réduite à 1 à 2 cigarettes par jour conduit généralement, par un phénomène compensatoire, à tirer davantage sur les quelques cigarettes, qui deviennent alors aussi nocives que la consommation habituelle. Ainsi, même en faible quantité, le tabac est nocif pour la maman et le bébé.

C’est pourquoi seul l’arrêt total est recommandé. En effet, 8h après la dernière cigarette, le monoxyde de carbone a diminué de moitié dans le sang et au bout de 48h l’oxygénation s’est normalisée. Il y a donc des bénéfices réels. D’autres aussi sont importants : meilleure croissance du bébé, moins de risque d’accouchement prématuré, meilleure adaptation à la naissance, pas de manque de nicotine, bébé plus calme.

Quels conseils donneriez-vous à une femme enceinte fumeuse ?

Mieux vaut donc arrêter totalement de fumer pendant la grossesse, voire même au moment de la conception. En effet, il est prouvé que le tabagisme altère la fécondité, c’est-à-dire la capacité à concevoir un bébé. De plus lors de la grossesse, le tabagisme augmente le risque de fausse-couches, de grossesse extra-utérine, de naissance prématurée, etc...

Si l’idéal est d’arrêter dès que vous souhaitez un bébé, sachez qu’il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer. L’arrêt de la cigarette est toujours bénéfique à n’importe quel moment de la grossesse, et même après la naissance, autant pour la maman que pour le bébé.

Comment faire si le conjoint est fumeur ?

Il est évidemment plus simple d’arrêter de fumer lorsque le conjoint est non fumeur ou dans le cas contraire lorsqu’il décide lui aussi d’arrêter de fumer. Il faut savoir aussi que l’exposition d’une femme enceinte à la fumée des autres, à la maison, dans une soirée ou au travail, a un effet équivalent à un tabagisme maternel faible. Les molécules toxiques de la fumée du tabac passent aussi dans le sang de la maman et donc dans celui du fœtus. Il est donc recommandé aux femmes enceintes d’éviter les atmosphères enfumées, sans oublier la fumée du cannabis.

Comment procéder pour l’alimentation de bébé lorsqu'on fume?

En ce qui concerne l’alimentation de l’enfant, ce choix intime appartient aux parents. Toutefois, l’allaitement maternel est recommandé. En effet cela permet d’atténuer le syndrome de sevrage du bébé et lui permet de profiter de tous les bienfaits de lait de sa maman. Pour diminuer la concentration de nicotine dans le lait maternel, il est recommandé, dans la mesure du possible, d’éviter de fumer dans l’heure qui précède la tétée.

Y'a t-il des solutions pour arrêter de fumer ?

De nombreuses solutions existent avec ou sans médicaments, c’est l’accompagnement qui compte ; en France, il reste 12,2% de femmes qui déclarent fumer au 3ème trimestre de la grossesse selon l'enquête nationale périnatale 2021. Il faut faire plus de prévention et aider ces femmes qui se sentent coupables, renforcent leur anxiété ce qui augmente leur envie de fumer...

Conseils : on peut commencer par réduire avec des substituts nicotiniques pour éviter le phénomène compensatoire.

Osez demander de l’aide aux professionnels ils sont compétents et bienveillants, sans jugement ; ils sauront vous orienter si besoin vers une sage-femme tabacologue.
Dans la plupart des maternités, les sages-femmes peuvent tester votre CO avec un appareil, même pour dépister le tabagisme passif.