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Bonjour, je suis anesthésiste réanimateur depuis bientôt 25 ans, mais ce qui est important de souligner c’est que dans notre établissement, nous pratiquons les chirurgies lourdes, notamment thoracique et vasculaire, et que nous avons été pendant 20 ans un centre de chirurgie cardiaque, et qu’à ce titre nous sommes confrontés en permanence aux patients
tabagiques dont nous avons une grande habitude.

Que pouvez-vous dire sur les effets du tabagisme lors d’une opération ?

Les effets du tabac sont multiples et potentiellement graves. Le patient tabagique présente une altération de l’épithélium de surface de toute les voies aéro-digestives supérieures.
Il est plus sujet aux sinusites, infections dentaires, encombrement bronchique etc…Lors d’une anesthésie, les risques de broncho-spasmes à l’induction, d’hypoxémie, de surinfection bronchique sont plus importants.

Dans la période post-opératoire immédiate il y a en cas de tabagisme, un mauvais processus de réparation tissulaire ou osseux qui augmente les risques d’infections du foyer opératoire ou de lâchage de suture, notamment digestive. Une plus mauvaise cicatrisation cutanée peut contre-indiquer une chirurgie esthétique. Toux handicapante, moins bonne réponse des antalgiques , syndrome de manque sont également à prendre en compte.

Il est prouvé que le tabagisme augmente même la durée de séjour du patient, et que a contrario, l’arrêt du tabagisme diminue l’incidence de l’ensemble de ces complications.(S. Leroy, S. Lagouche, B. Dureuil Tabagisme et anesthésie Congrès national d'anesthésie et de réanimation 2007. Conférences d'actualisation, p. 079-089.)

Quand faut-il arrêter de fumer avant une intervention chirurgicale ?

Un arrêt du tabagisme 6-8 semaines avant l’intervention entraîne la disparition du risque de complications opératoires dues au tabac. Un arrêt plus proche de l’intervention, 3-4 semaines avant, apporte, sur tous les paramètres opératoires, un bénéfice.

Il a été démontré que l’arrêt du tabac, avec substituts nicotiniques, 4 semaines avant une intervention chirurgicale diminue significativement de moitié le taux de complications qui peuvent survenir dans les 30 jours post-opératoires (Lindström D et al. Effects of a perioperative smoking cessation intervention on postoperative complications: a randomized trial. Ann Surg. 2008 Nov;248(5):739-45).(extrait de l’interview de B Nicot).

Un arrêt moins de 3 semaines avant l’intervention est quand même bénéfique car la diminution documentée des complications au niveau du site opératoire relativise le risque controversé de majoration des complications respiratoires. (CONFÉRENCE D’EXPERTS TABAGISME PÉRI-OPÉRATOIRE LES JOURNÉES DE LA SFAR 2005 Palais des congrès de Paris).

Quels sont les bénéfices de l'arrêt, en général ?

Les fumeurs sevrés de longue date ont un risque moindre que les fumeurs et non différent de celui des non fumeurs. Une baisse du CO (monoxyde de carbone) est rapide (24H Presque normal). La cicatrisation est meilleure, les risques infectieux sont diminués, la durée de séjour est équivalente à un non-fumeur. La qualité de vie est améliorée par arrêt de l’évolution de la pathologie.

Que penser de la cigarette électronique ?

L’avis du Haut Conseil de Santé Publique de février 2016 indique que la cigarette électronique :

  • Peut être considérée comme un outil d’aide au sevrage tabagique pour les populations fumeuses désireuses d’arrêter leur consommation de tabac.
  • Pourrait constituer un point d’entrée dans le tabagisme mais ce risque serait contrebalancé par le fait qu’elle pourrait aussi retarder cette entrée.
  • Induit un risque de « renormalisation » de la consommation de tabac compte tenu de l’image positive véhiculée par son marketing et sa visibilité dans les espaces publics.

Le Docteur Denis Poupot recommande :

  • De poursuivre et d’intensifier les politiques de lutte contre la consommation de tabac.
  • D’informer, sans en faire publicité, les professionnels de santé et les fumeurs des avantages et des inconvénients de la cigarette électronique, de maintenir les modalités d’interdiction de vente aux mineurs et de publicité prévues par la loi de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 et d’étendre l’interdiction d’utilisation à tous les lieux à usage collectif.
  • De renforcer les études d’observation et épidémiologiques sur le tabagisme et la cigarette électronique et de lancer des recherches en sciences humaines et sociales sur cette question.
  • De poursuivre les efforts de labellisations et de marquages pour assurer le maximum d’information aux consommateurs et assurer leur sécurité.